OPW INTERVIEW - 28 décembre - Le site de rencontres Mektoube.fr est actuellement le n°1 en France de la rencontre dédiée aux communautés maghrébines, avec plus de 900 000 membres.
Laouri Medjebeur et Thomas Nomaksteinsky, créateurs et dirigeants de Mektoube.fr, ont accepté de répondre à nos questions et de nous en dire plus sur le présent et l'avenir de leur site.
Mektoube.fr est en constante évolution depuis son lancement en 2006, comment voyez-vous l’avenir du site en France ?
Nous sommes toujours en phase de croissance organique. La moitié des membres qui s'inscrivent sur Mektoube le font grâce au bouche-à-oreille initié par les clients satisfaits, sans que nous ayons recours à la publicité.
Quel que soit le site, quel que soit le marché, l’avenir à court terme, c’est le mobile. Actuellement, 20% de notre trafic provient de notre web app. Nous sommes en train de développer notre plateforme mobile iPhone & Android.
Il y a encore un an, nous pensions plafonner à 3M€ de CA sur le marché français. Aujourd'hui nous sommes sur un trend de 3,5M€ et toujours dans une phase de croissance.
Le marché de la rencontre en ligne visant des communautés est en pleine expansion, en quoi Mektoube.fr est-il différent?
En France, le marché ciblant des « niches » ou des communautés est très spécifique, tout autant que le web Français d'ailleurs.
La plupart du temps vous trouverez des sites ciblant les communautés, mais ils sont trop petits et n'atteindront jamais la taille critique. Ils ne sont pas rentables et sont très souvent lancés par des agences de communication qui ne s'en servent que pour récolter des adresses emails.
Il n'existe pas tant de sites de grande envergure que ça. Vous avez Jdate pour la communauté juive, mais le site est américain. Aucun site pour la communauté « noire », très fragmentée en France, et très compliquée à fédérer, contrairement à la communauté afro-américaine aux Etats-Unis.
Mektoube s'adresse à la « communauté » maghrébine de France. Je mets entre guillemets le mot « communauté » car il n'existe pas de communauté maghrébine mais bien des Français avec des origines maghrébines. Nos membres viennent rechercher l'âme sœur sur Mektoube car ils partagent une culture et des traditions communes.
A l’origine, en 2006, sur les sites dits « généralistes », nous ne retrouvions pas de référence communautaire. Aujourd'hui, sur ces sites, vous pouvez enrichir votre profil avec des indications culturelles bien spécifiques qui n’existaient pas à l’époque. Nous étions simplement en avance. Avec Mektoube nous avons écouté et répondu à une demande, nous ne l’avons pas créée.
Ce qui nous différencie en premier lieu d’autres sites sur le même créneau, c’est que nous sommes très loin des clichés et des caricatures « orientales ».
D’autre part, nous souhaitons nous démarquer de l’amateurisme qui a longtemps caractérisé le secteur. Mektoube est une vraie aventure entrepreneuriale. Dès le début, nous avons mis l'accent sur la qualité de service, avec par exemple la modération manuelle et systématique. Aujourd'hui, nous modérons des milliers de photos et annonces par jour et ce 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 afin de répondre à la demande de nos membres.
Nous avons une vraie stratégie d'expansion, contrairement à beaucoup de sites de « niche » qui sont pour la plupart des copycats de Mektoube.
Mektoube.fr est actuellement numéro un des sites pour la communauté Musulmane et Maghrébine, quels sont vos projets en termes de communication?
Nous avons lancé un grand casting via Facebook pour recruter des modèles pour nos pubs online et offline. Nous avons un mal fou à trouver des modèles typés « maghrébins » sur les banques d'images. D’ailleurs il n’y en a pas et nous avons jusqu’à présent utilisé des non-Maghrébins pour nos visuels publicitaires.
Nous avons lancé en juillet et en septembre une campagne de pub TV sur une chaîne nationale, et nous avons eu de bons retours. Nous renouvellerons sûrement l'expérience.
Comment Mektoube.fr se positionne par rapport aux questions soulevées de manière générale au sujet des sites communautaires ?
Depuis 2006, Mektoube n'a jamais été dans une optique communautariste. Nos membres sont des Français. Ils ont de moins en moins d’attaches au Maghreb. Ce sont des consommateurs comme les autres.
De plus, nous n'avons jamais utilisé, ni même attisé la polémique pour faire parler de nous. Le sujet des origines culturelles est bien trop sérieux pour jouer avec.
En 2010, nous avons voulu lancer une campagne de publicité. Nous avions trouvé un slogan, « Quand il y en a un ça va, quand il y en a 500 000 c'est mieux » qui faisait référence avec humour à nos centaines de milliers de membres. La régie de la RATP a refusé la campagne. Avec le recul, nous pensons que c'est mieux comme ça.
Nous n'avons jamais mis en avant la religion comme argument commercial. C'est personnel, ça n'a pas sa place sur un site de rencontre et de façon générale sur un site à vocation commerciale.
Pour finir sur le communautarisme, n'oublions pas que nos membres sont simplement des Français qui souhaitent rencontrer des célibataires près de chez eux, avec des spécificités culturelles.
Quels sont vos projets à l’international ?
Nous nous lancerons prochainement au Maghreb. Quand on y regarde de plus près, il y a par exemple autant d'opérateurs téléphoniques que dans les pays européens. Il y a une demande pour de la rencontre en ligne, mais pas encore de site local.
Nous avons d'autres opportunités que nous développerons plus tard car nous sommes dans une phase de réflexion.
Sachant que votre site vise essentiellement les Français d’origine maghrébine, comment pensez-vous exporter ce concept ailleurs en Europe ?
Nous faisons très attention à comment et où nous lancer. La diaspora maghrébine se retrouve dans beaucoup de pays européens, Italie ou Espagne par exemple. Mais elle ne ressemble pas du tout à la diaspora maghrébine en France.
Dans le reste de l'Europe, la communauté maghrébine est très jeune en termes d'immigration. C’est seulement la 1ère ou la 2ème génération issue de l'immigration.
Seule la Belgique a à peu près le même schéma que la France. Mais le marché est très petit et les Belges ne sont pas trop consommateurs des sites de rencontres.
Dans le reste de l'Europe il existe toujours des « communautés » d'origine maghrébine, mais investir en publicité pour un tout petit nombre de célibataires couterait très cher pour une déperdition très élevée. Certains se sont lancés dans l’aventure de la rencontre pour Musulmans, mais la « communauté musulmane » est tellement fragmentée que cela a peu de sens.
Vous êtes tous deux des acteurs aguerris du Web. Selon vous, en quoi l’industrie de la rencontre est-elle différente des autres activités Internet ?
Le dating n'est pas très différent des sites e-commerce : il faut avant toute chose mettre l’accent sur l’acquisition de nouveaux inscrits, pour que les membres aient l’embarras du choix. Il faut ensuite penser avec une logique ROIste.
Il y a 2 grandes différences par rapport aux autres activités Internet :
- La communication : il est très difficile de communiquer sur un site de rencontre. Vous ne vendez pas un produit de consommation mais un service qui touche aux sentiments. Il faut faire très attention à cela.
- La fidélisation : Un site e-commerce peut, s'il est bon, fidéliser un client. Celui-ci achètera un téléviseur, un lecteur Blu-ray et il reviendra si ses commandes se sont bien passées. Nous ne pouvons pas fidéliser nos clients de la même manière. Une fois qu'ils rencontrent l'âme sœur, ils ne reviennent plus. Alors notre job, c'est de leur proposer le plus grand nombre de célibataires et un service de qualité, pour qu’ils aient la meilleure expérience possible. Et que le bouche-à-oreille fonctionne.
Commentaires